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Marien MBA ESSONO / Le projet Libreville 2 : une vision ambitieuse pour le pays mais attention aux effets Naypyidaw et Abuja.

  • Photo du rédacteur: marien junior mba essono
    marien junior mba essono
  • 8 avr.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 mai


Le projet Libreville 2 a été initialement proposé par le candidat Gervais Oniane lors de l’élection présidentielle d’août 2023. Il est aujourd’hui porté par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema dans le cadre de sa campagne pour l’élection présidentielle du 12 avril 2025. Ce projet ambitieux vise à créer une nouvelle capitale moderne à Andem,



dans le département du Komo Kango, pour a priori désengorger Libreville et répondre aux défis urbains croissants. C’est une vision de modernisation urbaine qui flatte,nous devons l’avouer, notre ego patriotique.


Le projet prévoit la construction de logements sociaux, de bâtiments administratifs, un nouvel aéroport, un centre hospitalier, des hôtels et des infrastructures modernes. La ville devrait s'étendre sur près de 30 000 hectares. Son financement repose principalement sur le partenariat sino-gabonais. En effet, la Chine a promis une contribution de 830 milliards de FCFA (1,4 milliard USD) lors du forum Gabon-Chine en septembre 2024. En outre, des investisseurs sénégalais ont également été sollicités pour leur expertise dans des projets similaires comme Diamniadio au Sénégal.


Certains de ces financements potentiels suscitent cependant quelques doutes pour ne pas dire inquiétude. Si le projet repose sur des financements chinois, alors notre pays se trouve dans une situation géopolitique délicate. Une situation qui pourrait compromettre la réalisation du projet. En effet, face à la demande chinoise d’installer une base navale sur notre territoire, cette dépendance financière pourrait contraindre l’Etat à accepter alors même que le président de la Transition a affirmé dans une interview accordé à TV5 et à France 24, ne pas s’inscrire dans la rupture des partenariats stratégiques historiques du Gabon. Or, ces ambitions géopolitiques et stratégiques chinoises ne sont pas sans susciter les réticences voire l’opposition des partenaires stratégiques historiques.


Notre souveraineté est en jeu : Si le Gabon refuse cette base pour affirmer sa posture souverainiste ou apaiser ses alliés historiques (France et OTAN), il risque de perdre ces financements chinois. Une telle décision pourrait compromettre logiquement l’avancement de Libreville 2. Et si le Gabon accepte l’offre Chinoise, nous craignons, peut-être à tort,

une militarisation accrue de la région avec un risque que notre pays devienne le théâtre d’une guerre d’influence à ciel ouvert entre puissances rivales. Bref, ce n’est pas notre sujet.

Par ailleurs, toujours en matière de Financements, il se pose toujours le problème de la gouvernance surtout la transparence dans l’utilisation des fonds et les risques de corruption qui ont conduit aux déboires de la baie des rois.


Sur le plan social, nous craignons que le projet risque d’aggraver la gentrification, comme cela a pu être observé à Abuja, où une véritable ségrégation spatiale s’est installée entre les élites vivant dans les quartiers centraux (Asokoro, Maitama) et les classes populaires reléguées dans des zones très défavorisées.


Libreville compte aujourd’hui environ 1 000 000 d’habitants, soit près de 40 % de la population nationale. La densité urbaine est estimée à 3 725 habitants/km², avec une occupation spatiale marquée par des disparités sociales et une prolifération des bidonvilles. Environ 75 % de l’espace urbain est occupé par des quartiers précaires ( le mapane), où vivent les populations les plus défavorisées. Des zones souvent exposées pour rappel à des risques environnementaux (inondations, glissements de terrain), aggravant la vulnérabilité sociale.

Les données de pauvreté sont alarmants. Le taux de pauvreté à Libreville avoisine les 21,2 %, contre une moyenne nationale de 30 %. Le chômage dans la capitale atteint actuellement 38 %, reflétant un manque d’opportunités économiques pour une grande partie de la population. Les beaux quartiers (front de mer …) sont réservés aux élites urbaines, tandis que les classes populaires sont reléguées dans les vallons marécageux ou en périphérie.

Le projet Libreville 2 est loin d’être une solution à ces problèmes. Il pourrait même potentiellement les accentuer.


Par ailleurs, il convient de faire attention au

risque de ville fantôme comme en Birmanie. En effet, la ville de Naypyidaw, capitale de ce pays depuis 2005, est devenue le symbole du contraste entre une ambition démesurée et les réalités sociales. Construite pour un coût estimé à 4 milliards de dollars, cette ville est caractérisée par son urbanisme démesuré et de son faible taux d’occupation. Malgré ses vastes infrastructures (autoroutes à huit voies, pagodes, centres commerciaux), elle reste largement désertée, habitée principalement par les fonctionnaires et militaires. La ville souffre d’un manque de vie sociale et économique, avec des infrastructures sous-utilisées et des quartiers isolés, rendant les conditions de vie difficiles et entraînant un désintérêt croissant de la population.


Libreville 2 pourrait connaître un sort similaire si les infrastructures ne répondent pas aux besoins réels des populations. Si ce projet se concrétise, l’attractivité économique de Libreville continuera d’alimenter un exode rural massif, asséchant les provinces en termes démographiques avec pour conséquence potentielle, une hausse du coût du foncier et une prolifération des bidonvilles dans la capitale actuelle.


Nous nous posons d’ailleurs aussi la question de l’opportunité et même de la pertinence d’un tel projet par rapport à d'autres projets en cours à l’instar de la cité Émeraude. En effet, la création d’une nouvelle capitale administrative semble redondante alors que la cité Émeraude est déjà en cours de finalisation pour accueillir les ministères et institutions publiques.


Aussi, à l’endroit du futur président élu, nous préconisons de prioriser durant les sept prochaines années, le structurant plutôt que le prestige qui s’inscrit dans la durée. Nous devons apprendre des erreurs du passé.


En tant que citoyen, nous proposons d’accélérer le désenclavement du pays avec des infrastructures routières et ferroviaires modernes.Le Gabon dispose de 9 170 km de routes, dont seulement 1 055 km (environ 10%) sont bitumées. Parmi les routes non bitumées, moins de 20% sont en bon état. C’est un handicap pour notre économie qu’il faut endiguer.

Il faut investir massivement dans l'autosuffisance énergétique (eau et électricité) pour toutes les provinces ainsi que dans l’Éducation et la formation. Il faut construire des universités et centres de formation professionnelle aux standards internationaux dans chaque chef-lieu de province à défaut de le faire dans chaque département. Les centres de formation pourraient avoir des programmes adaptés au besoins de l’économie locale avec des dispositifs de types alternance et contrat de professionnalisation.


Favoriser les pôles de croissance provinciaux par la création Zones économiques spéciales provinciales (ZESP) adaptées aux potentialités économiques locales (agriculture, mines, pêche, pétrole ).


Rendre la décentralisation effective en renforçant les autonomies financières des collectivités locales. Mettre fin au contrôle a priori que l’Etat exerce sur ces dernières. Créer un institut spécialisé dans la formation des cadres territoriaux au fait des problématiques locales au-delà de la dimension politique ( la culture, la jeunesse, l’environnement, la mobilité, la sécurité, les ressources humaines et financières etc). La mission de ces agents territoriaux spécialisés sera d’accompagner les élus locaux dans l’exécution des politiques publiques locales ou leurs plans de mandat. Cet institut pourrait avoir des antennes dans chaque chef lieu de province.


Nous pensons que ces modestes propositions peuvent aboutir à une répartition démographique plus équilibrée. Cela pourrait permettre de désengorger Libreville tout en favorisant un développement durable et inclusif à l’échelle nationale.


Sources:


Pérouse de Montclos, M.-A. (2018). La capitale qui n’existait pas : pouvoirs urbains et États fragiles en Afrique subsaharienne. Revue internationale et stratégique, 112(4), 159-163. https://doi.org/10.3917/ris.112.0159.

Coquery-Vidrovitch Catherine. Ségrégation spatiale, ségrégation sociale ?. In: Cahiers d'études africaines, vol. 25, n°99, 1985. Ségrégation spatiale, ségrégation sociale. pp. 293-294.

IRASS Journal of Economics and Business Management Abbriviate Title- IRASS J Econ Bus Manag ISSN (Online) 3049-1320 https://irasspublisher.com/journal-details/IRASSJEBM

Vol-2, Iss-2(February-2025)





 
 
 

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