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Finances publiques gabonaises : un budget 2025 sous le double choc prix/production pétrolière

  • Photo du rédacteur: CEAEFP- Gabon
    CEAEFP- Gabon
  • 2 juin
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 juin

Par Marien MBA ESSONO, publié le 2 juin 2025.

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Le cadrage budgétaire du Gabon pour l’exercice 2025 est exposé à une conjoncture économique moins favorable que prévu. Le cours du baril de pétrole brut, principal produit d’exportation du pays, s’est stabilisé autour de 65 USD, soit un niveau sensiblement inférieur à l’hypothèse retenue dans la loi de finances initiale, qui tablait sur un prix de référence de 85 USD. Cette évolution défavorable, couplée à la poursuite de l’érosion de la production nationale d’hydrocarbures (avec une baisse anticipée de -2,1 %), exerce une forte pression sur les recettes budgétaires. Elle compromet les équilibres prévisionnels, accroît le risque de déficit et impose un ajustement budgétaire d’envergure dès le milieu d’exercice. Dans ce contexte, l’adoption d’une loi de finances rectificative apparaît non seulement probable, mais nécessaire pour adapter le cadre macroéconomique et réaligner la programmation budgétaire sur des hypothèses plus réalistes.


Tableau d'évolution du prix du baril de pétrole



La Loi de Finances Initiale 2025 prévoit des recettes budgétaires totales de 2 861,6 milliards FCFA, en légère hausse par rapport à 2024. Cette progression reposait principalement sur des recettes fiscales estimées à 1 854,3 milliards FCFA, soit 64,8 % des ressources totales, avec une hausse globale de 3 %. Toutefois, cette évolution masque de fortes disparités : l’impôt sur les sociétés accuse un recul de 5 %, en raison de la chute de 18 % des recettes issues des sociétés pétrolières (de 377,9 à 308,1 milliards FCFA). Cette baisse confirme la vulnérabilité du budget gabonais à la volatilité des cours pétroliers. Parallèlement, les autres recettes (Titre 4) s’établissaient à 1 073,5 milliards FCFA (+13 %), portées notamment par les revenus du domaine pétrolier (+23 %), eux-mêmes fondés sur une hypothèse désormais caduque de 85 dollars le baril. La chute effective des cours à 65 USD – soit une baisse de près de 24 % – remet en cause ces projections et rend inévitable une révision à la baisse des recettes attendues.


Tableau d'équilibre budgétaire

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Source: LFI 2025


Le secteur pétrolier représentant plus du tiers des ressources budgétaires et une part substantielle des recettes fiscales et des rentrées en devises, la baisse conjointe des volumes extraits et des prix du brut constitue un double choc asymétrique pour l’économie nationale. Cette contraction des ressources impose une réévaluation immédiate des enveloppes budgétaires allouées aux investissements publics, aux charges récurrentes, et au financement des politiques sociales. La LFI 2025 avait été bâtie sur une ambition de relance budgétaire, avec un budget initial de 4 204,9 milliards FCFA ; le nouveau contexte impose désormais une stratégie de reconfiguration, recentrée sur les dépenses essentielles, l’optimisation des dépenses publiques et la mobilisation de financements alternatifs.


Parmi les premières mesures de riposte figure l’augmentation de la taxe sur la sûreté aérienne. Si elle peut générer des recettes à court terme, sa portée demeure limitée, et son impact économique questionné. Elle pourrait affecter négativement le coût du transport, la compétitivité du hub aéroportuaire national et l’attractivité du territoire. Ce type de levier conjoncturel, même s’il est opérationnel, ne saurait à lui seul compenser le gap de recettes attendu. Il doit s’accompagner d’un réexamen global de la structure des dépenses et d’un renforcement de la mobilisation des ressources domestiques.


La fragilisation des recettes pétrolières renforce également le risque de recours accru à l’endettement, alors même que la loi de finances initiale intégrait déjà un financement par emprunt à hauteur de 1 204,8 milliards FCFA. Or, la soutenabilité de la dette publique gabonaise reste fragile, avec un service de la dette représentant plus de 50 % des recettes à moyen terme et un risque latent d’accumulation d’arriérés. Cela limite la capacité d’action de l’État et appelle une politique d’endettement rationel, fondée sur la hiérarchisation des projets et la recherche de financements concessionnels.


Cette vulnérabilité budgétaire a aussi des répercussions sociales immédiates. La baisse des marges de manœuvre budgétaires survient dans un contexte marqué par l’aggravation de problèmes sociaux persistants, notamment les coupures fréquentes d’eau et d’électricité, qui affectent durablement le quotidien des populations. La capacité de l’État à répondre structurellement à ces dysfonctionnements est compromise par le manque d’investissement dans les infrastructures, la vétusté des équipements et la faible performance des opérateurs publics. En l’absence de ressources nouvelles substantielles, les arbitrages budgétaires risquent de se faire au détriment des services publics essentiels, aggravant la précarité et la défiance sociale.


Face à ces défis, un ajustement du cadre de gestion budgétaire s’impose. Plusieurs axes de réforme apparaissent incontournables : réduction du train de vie de l’État, rationalisation des organes budgétivores, et respect strict des procédures de passation des marchés publics. Le fait que 93 % des marchés aient été passés de gré à gré pendant les deux ans de la transition est symptomatique d'une gouvernance à améliorer, favorisant la surfacturation, l’opacité et la mauvaise allocation des ressources. La crédibilité des finances publiques exige une application rigoureuse du Code des marchés, assortie éventuellement de sanctions.


La question de la liquidité budgétaire et de la solvabilité à moyen terme appelle une stratégie intégrée. Le recours à l’endettement devra rester encadré, avec une priorité donnée aux financements concessionnels, voire aux partenariats public-privé bien structurés. Le renforcement du cadre budgétaire à moyen terme (CBMT), adossé à une planification pluriannuelle des dépenses, pourrait permettre une meilleure prévisibilité et une meilleure soutenabilité des engagements de l’État.



Sources

Loi de Finances pour 2025 (PARTIE OFFICIELLE)

Cedrick JIONGO, Dette : Le Gabon repousse ses échéances sans résorber ses tensions de liquidité (Fitch). Paru chez Ecomatin.net le 9 mail 2025 (Dette : Le Gabon repousse ses échéances sans résorber ses tensions de liquidité (Fitch)

Arnaud Ntoutoume Ndong, Gabon: le cadrage budgétaire 2025 face à des prévisions économiques incertaines. Paru chez Insidenews241 le 5 février 2025 (Gabon: le cadrage budgétaire 2025 face à des prévisions économiques incertaines - Insidenews241)


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