Marien MBA ESSONO/ Opération MOUELÉ: qu’est-ce que le Gabonais lambda doit comprendre ?
- CEAEFP- Gabon
- 18 mai
- 4 min de lecture
Nous avons déjà eu à disserter abondamment sur les mécanismes de traitement de la dette de l'Etat gabonais dans le cadre de notre thèse puis de notre ouvrage traitant de l’extinction de la dette publique des pays de la CEMAC publié aux éditions universitaires européennes. Il nous plaît d’expliquer dans un format pédagogique la teneur de ce communiqué conjoint du ministère de l’économie et celui des comptes publics.
Le Gabon, comme un ménage trop endetté ( dette trop élevée par aux ressources budgétaires générées ), avait accumulé plusieurs crédits à rembourser à brève échéance. Pour éviter une crise de trésorerie, un défaut de paiement, il a décidé de réorganiser sa dette avec le concours de ses partenaires financiers. Voici ce que cela veut dire, illustré avec des exemples simples de la vie de tous les jours.
Le reprofilage de la dette de l’Etat
L’Etat a reprofilé 592 milliards de FCFA de dette. Concrètement, il a demandé à ses créanciers d'étaler le remboursement sur une période plus longue, passant de 2-3 ans à 8-9 ans.
Par exemple, imaginez que vous deviez rembourser un crédit moto de 500 000 FCFA en 2 ans avec des mensualités de 25 000 FCFA. C'est lourd chaque mois ! Vous renégociez pour rembourser sur 8 ans, vos mensualités tombent à 7 000 FCFA. Vous respirez mieux au quotidien. Cela libère de l’argent pour d’autres dépenses urgentes : construire des écoles, rénover les hôpitaux, entretenir les routes.
Mais, il y a un un revers de la médaille. Plus on étale, plus les intérêts s'accumulent. Sur le long terme, vous paierez plus cher, exactement comme un crédit long terme coûte plus d’argent qu’un crédit à court terme. Par ailleurs, si durant ces années de relative stabilité, le Gabon n’améliore pas sa gouvernance, sa gestion financière et ne réforme pas son économie, il sera de nouveau en difficulté vers 2033 voire avant.
La titrisation de la dette de l’Etat
Le Gabon a transformé 473 milliards de FCFA de dettes bancaires en obligations d’État. Cela signifie qu’il a créé des espèces de papiers financiers qu’il promet de rembourser plus tard, et que les banques peuvent vendre pour récupérer de l’argent tout de suite.
Par exemple, vous avez prêté 100 000 FCFA à un ami, mais vous avez besoin de liquidités. Vous vendez cette dette à quelqu’un d’autre pour 90 000 FCFA. Vous récupérez du cash immédiatement, mais vous abandonnez une partie du montant total.
Les banques récupèrent de l’argent frais pour continuer à financer d'autres projets, et le Gabon peut mieux organiser ses remboursements dans le temps, en prévoyant deux ans de respiration avant de commencer à payer.
Mais attention, il y a évidemment des risques. En effet, si le Gabon ne rembourse pas ces obligations, sa réputation voire son crédit en prendrait un coup obérant son accès aux financements. C’est comme si, après avoir vendu votre créance, votre ami refuse de payer son nouveau créancier : tout le quartier ( le madouaka, Le mapane) ) saura que c’est un mauvais payeur ( un faux boy, un mbroum) et personne ne voudra lui prêter de l’argent.
En outre, si l'économie gabonaise montre des signes de faiblesse (par exemple chute du prix du pétrole, des réformes budgétaires et économiques qui peinent à d’implémenter), les investisseurs peuvent paniquer, revendre massivement les obligations, ce qui fera baisser leur valeur.
Par exemple, imaginez que vous avez ouvert un grand restaurant à Libreville. Des investisseurs vous ont prêté de l’argent parce qu'ils étaient convaincus que vous alliez moderniser votre cuisine, former vos serveurs, et mieux gérer vos comptes.
Mais au lieu de moderniser, vous continuez à faire tourner le restaurant comme avant : service lent, mauvaise gestion des stocks... et en plus, la clientèle diminue parce que le pouvoir d'achat baisse (comme la chute du prix du pétrole pour le Gabon). Inquiets, les investisseurs pensent que votre restaurant ne tiendra pas longtemps. Ils paniquent et cherchent à revendre leurs parts rapidement, même à bas prix. Résultat : la valeur de votre restaurant chute sur le marché.
La mobilisation de ressources nouvelles
En plus de tout cela, le Gabon a emprunté 338 milliards de FCFA frais, pour financer ses besoins de trésorerie et ses projets de développement.
Par exemple, vous avez déjà plusieurs crédits en cours, mais votre maison commence à s’abîmer. Vous contractez un nouveau prêt pour réparer le toit ou refaire la plomberie. Cela vous coûte plus cher, mais vous évitez que votre maison ne devienne inhabitable.
Le Gabon obtient de l’argent immédiat pour relancer son économie : construire des infrastructures, soutenir les PME locales etc. Ce nouvel emprunt vient s’ajouter aux dettes existantes. Et si demain, les banques augmentent leurs taux d'intérêt (par exemple de 5 % à 8 %), emprunter deviendra beaucoup plus cher.
Grâce à cette restructuration, le Gabon a peut-être évité une situation de défaut: comme un ménage qui renégocie ses dettes pour éviter le surendettement. Il peut souffler, investir, et relancer son économie.
Mais cette opération n’efface pas les dettes : elle les repousse dans le temps, avec un coût plus élevé. Si le Gabon ne fait pas attention — par exemple en continuant à dépenser sans compter — il devra de nouveau renégocier ou s’endetter davantage.
Par exemple, un jeune salarié qui a des crédits étudiant, téléphone et moto à rembourser. S’il étale ses dettes, il vit mieux au quotidien. Mais s’il continue à faire des dépenses inutiles sans augmenter son salaire, il finira par crouler sous les dettes.
Pour le Gabon, c’est pareil : la restructuration offre du temps et de l’air frais. Mais seul un changement durable de la gouvernance garantira un avenir serein. Par ailleurs, historiquement, lorsque les créanciers décident de participer à un mécanisme de restructuration d’une dette d’Etat- que ce soit dans le cadre du club de Paris ou du club de Londres-ce n’est pas toujours un gage de confiance mais le constat d’une économie et des finances publiques fragiles et la peur de perte totale de leurs investissements.



Sources
Commununiqué conjoint du ministre des comptes publics et de la dette et le ministre de l'économie et des participations du 28 avril 2025 ( La République Gabonaise a réalisé avec succès l’opération MOUELE | Ministère de l'Économie et des Participations)
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